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« Aller vers » et revenir. Expérience d’une équipe mobile de soins palliatifs

Laure MARMILLOUD - Infirmière en équipe mobile de soins palliatifs, CMCR des Massues, Collaboratrice au Centre interdisciplinaire d’éthique de l’UCLY, Lyon

Année de publication : 2018

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Médecine, PUBLIC PRECAIRE, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°68 – « Aller vers »… d’autres pratiques ? (juin 2018)

Nous nous déplaçons vers des équipes qui nous en font la demande  ; elles sont issues du monde hospitalier ou du champ médico-social des Ehpad. Le plus souvent en binôme, avec une collègue médecin (parfois en trinôme, avec une psychologue), nous rencontrons des patients porteurs d’un cancer en échappement thérapeutique. Nous rencontrons aussi des personnes âgées, en institution qui souffrent de maladies évolutives en phase avancée ou terminale.

Notre rôle nous place dans la situation d’«  aller vers  »… des personnes qui sont couchées par la maladie, arrêtées par l’irruption brutale de ce qui leur arrive, soufflées par la rapidité de l’évolution et, aussi, mobilisées dans leur être le plus intime, mises en mouvement par l’ambivalence de leurs sentiments, agitées par de nombreuses questions et inquiétudes. «  Aller vers  »… parfois sur la pointe des pieds, souvent avec une certaine gravité, mais toujours avec l’espoir que l’autre, ce patient, cette famille, puisse venir à la relation car le chemin ne peut se faire qu’ensemble.

Le premier motif d’appel est généralement l’aide à la prise en charge de symptômes difficiles, au premier rang desquels figure la douleur. Ce motif constitue une voie d’introduction de notre équipe auprès du patient et de sa famille. Car «  aller vers  » un patient en se présentant avec la dénomination des «  soins palliatifs  » soulève des craintes qui restent grandes. Si le cheminement personnel du patient est essentiel à respecter, il faut aussi –  et peut-être surtout  – entretenir le dialogue avec les professionnels eux-mêmes pour faire bouger les représentations négatives et dissiper les peurs. Lorsque nous pouvons parler de notre rôle auprès du patient et de sa famille, un espace d’échange s’ouvre pour un dialogue constructif dans le concret de l’ici et maintenant. Comment apporter un peu plus de mieux-être  ? Qu’y a-t-il d’essentiel à recevoir pour accompagner de notre mieux un chemin toujours singulier, traversé par des mouvements contraires, fait de solitude et de solidarités  ?

L’aide à la réflexion autour du projet de soins est, par ailleurs, un motif d’appel très fréquent lorsque des questions de limitation ou d’arrêt de traitements se posent, ou lorsque le patient formule des refus ou exprime des désirs particuliers. Il s’agira alors d’écouter beaucoup le patient, ses proches, l’équipe en charge de son accompagnement, pour ensuite entrer dans une démarche de réflexion collégiale qui puisse conduire à une prise de décision. La position de «  tiers  » propre aux équipes mobiles permet un élargissement des points de vue. Il n’est pas rare que le bénéfice de l’intervention soit dans le simple fait d’avoir aidé une équipe pluridisciplinaire à se rassembler un moment pour échanger collectivement. La perception de la complexité est aggravée par la déliaison des membres d’une équipe. À l’inverse, lorsqu’une équipe peut s’asseoir à la même table pour rassembler les morceaux épars, la situation problématique est vue sous un angle neuf.

Nos déplacements alternent vers des lieux retrouvés chaque semaine et d’autres plus ponctuels. Nous partons généralement avec des repères bien identifiés et des habitudes de fonctionnement sur lesquelles nous appuyer et, à d’autres moments, vers des lieux et des équipes à découvrir car ce sera une première visite  : ce sont des occasions où la dynamique de l’«  aller vers  » se vit de manière renouvelée. L’inconnu se lie à la curiosité de la découverte et à la possibilité d’initier de nouvelles collaborations.

On souligne généralement le besoin de diplomatie et de tact pour travailler en équipe mobile de soins palliatifs  : il est vrai qu’«  aller vers  » certaines équipes de soins ou certains professionnels relève du lent apprivoisement, de la patiente construction d’une relation de confiance pour amenuiser la peur du jugement et l’idée que demander de l’aide serait disqualifiant. Après une visite, nous écrivons des recommandations qui seront formulées sous forme de «  propositions  ». Le médecin de l’équipe mobile de soins palliatifs n’est pas prescripteur ; l’infirmière peut donner des conseils, faire des suggestions, mais ce n’est pas elle qui assura les soins du quotidien. S’il dépend de nous de faire des propositions qui soient acceptables en regard des moyens disponibles, il nous faut aussi avancer les propositions que nous jugeons opportunes, adaptées, même si elles dérangent les habitudes et le regard médical et paramédical initial. L’éthique du dialogue qui s’appuie sur le respect mutuel appelle à cette exigence. La position de seconde ligne a ceci de difficile  : elle suppose d’être capable de souplesse, d’avancées par compromis, sans verser dans l’indifférence.

«  Aller vers  » et «  revenir  », tel un mouvement de systole/diastole nécessaire à l’entretien d’une vie en équipe mobile. Après une visite particulièrement chargée émotionnellement ou particulièrement complexe, où des questionnements ont fusé de part et d’autre, revenir pour rassembler, pour laisser décanter, pour reprendre autrement, à distance de l’événement, et clarifier nos perceptions et jugements. Revenir pour écrire le compte rendu quand celui-ci n’est pas fait sur place dans les dossiers informatisés des patients. Cette écriture à distance est généralement enrichie de l’élaboration qui a continué à se faire sur la route du retour.

Revenir aussi à l’équipe que nous formons ensemble, pendant les temps hebdomadaires de synthèse clinique des suivis en cours car cette équipe est, au long de la semaine, dispersée en divers lieux, selon divers binômes.

Revenir, enfin, à l’ensemble de nos missions, car nous pouvons être happés par l’activité clinique, par l’immédiateté des appels auxquels il nous faut répondre. Soigner aussi nos missions de formation et de recherche soutient la possibilité d’aller plus loin avec les équipes partenaires dans l’intégration et l’acculturation de la démarche palliative au sein de leurs institutions.

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