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L’ambition holistique de la médecine générale

Claude ATTALI - Médecin généraliste MCU associé, faculté de médecine de Créteil
Vincent RENARD - Médecin généraliste enseignant, faculté de médecine de Créteil
Michel MÉDIONI - Médecin généraliste, Professeur associé, faculté de médecine de Créteil

Année de publication : 2006

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Médecine, Santé publique, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°22 – La médecine générale à corps et à cris (Mars 2006)

Au moment où se met en place «à marche forcée» la réforme dite du médecin traitant, des inquiétudes se font jour, d’ailleurs largement médiatisées, sur les effets pervers d’une telle réforme. La réforme ne désigne pas le médecin généraliste comme étant le médecin traitant, mais le choix de la population est clair : 99.6% des médecins choisis  étaient des généralistes à la fin janvier 20061.

La réforme, si elle ne donne aucun statut particulier au médecin généraliste, indique la règle du « parcours de soins ». Le médecin traitant doit être consulté « d’abord », il assure le « suivi médical courant », il « coordonne » les soins, si besoin, il « oriente vers un médecin correspondant ».

La pertinence de ce parcours de soins est contestée dans un système marqué historiquement par le libre accès sans contrôle ni restriction à tous les professionnels et à toutes les structures. Cette modification peut heurter pour une part les usagers du système de soins, d’autre part et peut-être surtout un certain nombre de médecins spécialistes exerçant en ambulatoire,  inquiets pour leurs activités et leurs revenus. La critique de la modification du système se fait alors par le biais de la remise en cause de la compétence du généraliste : sont évoqués pêle-mêle des retards diagnostiques en dermatologie, la baisse de la qualité de suivi en psychiatrie, la compétence douteuse des généralistes en pédiatrie, sans oublier la remise en cause du droit des femmes voire l’augmentation du nombre de cancers féminins si la gynécologie médicale ne gardait pas ses privilèges.

Dans ce contexte passionnel, il nous parait utile de préciser quels sont les contours de la spécialité médecine générale et comment sont formés les futurs professionnels.

La médecine générale a un contenu et une spécificité reconnus au plan international

« La médecine générale – médecine de famille est une discipline scientifique et universitaire, avec son contenu spécifique de formation, de recherche, de pratique clinique et ses propres fondements scientifiques. C’est une spécialité clinique orientée vers les soins primaires » (Wonca 2002)2.

Elle se définit par des caractéristiques propres qui la distinguent des autres spécialités et lui confèrent un rôle particulier dans le système de santé, et non pas seulement de délivrance de soins. Ainsi, elle est habituellement le premier contact avec le système de soins, permettant une accessibilité complète aux usagers, prenant en compte tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toutes autres caractéristiques de la personne concernée. Elle utilise de façon efficiente les ressources du système de santé par la coordination des soins, le travail interdisciplinaire en soins primaires et la gestion du recours aux autres spécialités, se plaçant si nécessaire en défenseur du patient. Elle développe également une approche centrée sur la personne dans ses dimensions individuelles, familiales, et communautaires et utilise un mode de consultation spécifique qui construit dans la durée une relation médecin patient basée sur une communication appropriée.

En outre, elle a la responsabilité d’assurer des soins continus et longitudinaux, selon les besoins du patient ; elle base son processus décisionnel spécifique sur la prévalence et l’incidence des maladies en soins primaires, et gère simultanément les problèmes de santé aigus et chroniques de chaque patient. Elle aborde les affections à un stade précoce et indifférencié qui pourrait éventuellement requérir une intervention rapide, et favorise la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace.

Elle a donc une responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté, tout en répondant aux problèmes de santé dans leurs dimensions physique, psychologique, sociale, culturelle et existentielle.

La médecine générale est exercée par les médecins généralistes formés aux principes de cette discipline

Pour exercer sa spécialité, le généraliste applique donc ses compétences dans trois champs d’activité, dont il doit maîtriser les interrelations :

· la démarche clinique,

· la communication avec les patients,

· la gestion de son outil professionnel.

La discipline scientifique centrée sur la personne nécessite la confrontation des compétences et de leurs champs d’application avec trois dimensions spécifiques :

· scientifique : l’approche critique basée sur la recherche et son maintien par une formation continue et une amélioration de la qualité,

· comportementale : les capacités professionnelles du médecin, ses valeurs et son éthique,

· contextuelle : le contexte de la personne et du médecin, la famille, la communauté, le système de soins et la culture.

Ces interrelations  caractérisent la discipline et soulignent la complexité de cette spécialité. D’ailleurs, les généralistes sont maintenant formés dans le cadre d’un diplôme d’études spécialisées de 3ème cycle, à l’instar des autres spécialités.

Le travail des enseignants a permis une construction pédagogique permettant de faire travailler les étudiants dans le contexte de ce modèle complexe. Ils ont parfaitement intégré l’idée du médecin traitant et possèdent en terme de formation, un bagage que leurs prédécesseurs ne possédaient pas.

Encore faudra-t-il que le système de soins  leur permette d’exercer ces compétences.

Notes de bas de page

1 Source Assurance Maladie

2 The EURACT Educational Agenda Editor : Jan Heyrman www.euract.org

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