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Le coaching des managers dans une banque, le risque du double lien

Guillaume PRATE - Responsable du coaching à la Société Générale, Paris

Année de publication : 2012

Type de ressources : Rhizome - Thématique : TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°44 – Ambiguïté de l’accompagnement, précarité de la transmission (Juillet 2012)

Je travaille dans une banque, la Société Générale, où je coordonne le coaching. A quoi sert cette activité, et qu’est-ce qu’une entreprise recherche ? Evidemment, c’est d’améliorer sa performance pour augmenter sa rentabilité : le métier devient un moyen d’améliorer la performance et la rentabilité. Dans les entreprises françaises, comment évalue-t-on le poids relatif des compétences techniques et des compétences dites humaines, qu’est-ce qui est privilégié ? Selon des observations communes, les nominations en France se font encore largement sur les compétences techniques alors que l’on sait que la combinaison optimale est celle-ci : plus la personne monte dans son niveau de poste, plus l’humain et les compétences comportementales deviennent importantes pour avoir une performance optimale, et cela peut se démontrer.

Dans le management, on observe aussi deux tendances : soit je contrôle mes collaborateurs en conflit plus souvent qu’en complémentarité, et je cherche la maîtrise pour savoir absolument ce qu’ils font, soit j’arrive à leur faire confiance, ce qui est une prise de risques. Le dilemme du manager est de combiner les deux, exercice difficile : faire confiance pour que ses collaborateurs puissent exécuter leur travail sans se sentir trop étouffés, et de l’autre côté, contrôler suffisamment ce qui se passe au niveau de la responsabilité.

Selon moi, la question essentielle est de faire évoluer la tendance à aller du contrôle vers la vraie performance qui serait plutôt du côté de faire davantage confiance. C’est là que le coaching et les autres approches de développement managérial interviennent, sachant qu’il n’y a rien d’évident parce que, de ce côté-là, la demande de l’entreprise est paradoxale. Il y a la conviction que si l’on met un peu plus d’humain, un peu plus de confiance, il y aura de la performance, mais en même temps l’entreprise demande aux managers de tout maîtriser, de tout contrôler, dans une forme d’authentique injonction paradoxale ou de double contrainte : déléguer et tout savoir, il y a de quoi devenir fou !

Pour moi, l’objectif du coaching passe par l’accompagnement dont je vais parler, car il s’agit en effet d’un accompagnement qui vise à aider une personne à évoluer dans ses comportements. Un tel objectif a ses limites parce que laisser en l’état, c’est si facile, et s’il suffisait de décider pour que ça change, ça se saurait ! Le plus gros du changement se fait par un cheminement profond. Au fil du temps, séances après séances, il s’agit de prendre du recul par rapport à des situations très concrètes, de faire la différence entre ce que l’entreprise me demande, ce que je veux y faire ; prendre conscience de ce qui se passe en moi, et combien mon estime de moi est liée « en béton » à ma performance. Cela induit petit à petit le fait que la personne change à condition d’être motivée, je le constate dans tous les coachings.

J’ai recensé quelques conditions pour un coaching efficace : la première est précisément la motivation du coaché, qui est aussi une limite parce que, finalement, tout le monde n’a pas envie d’avoir un coach. La qualité de la relation coach/ coaché fait que le coaché va choisir son coach en fonction du respect de la déontologie et du professionnalisme du coach (avoir un objectif pertinent), en fonction aussi de l’ouverture de l’environnement accueillant le changement de la personne qui va devenir plus autonome. Quand je parle du coaching en entreprise, je parle toujours du risque du coaching, car la personne peut faire le contraire de ce que veut l’entreprise. Ainsi j’ai un client qui a démissionné, un autre qui a refusé toutes les propositions que l’entreprise lui faisait parce qu’il voulait autre chose, et finalement il l’a obtenu ; le coaching n’est pas une approche qui rend docile, tout au moins dans la perspective qui est la mienne.

Le coach n’est pas non plus un psychothérapeute, même s’il y a des points communs, ni un gourou. Certains se méfient du coaching. En fait, l’intérêt de l’entreprise devrait rejoindre celui de la personne puisque finalement, au bout du compte, dans la plupart des cas, la personne atteint bien son objectif de performance. En plus, la personne fait l’expérience d’une relation de confiance qui est encourageante pour elle au-delà de l’objectif.

Dans les suites, le manager est mieux formé, mieux armé pour se faire confiance et appliquer avec d’autres ce qu’il a appris avec son coach.

J’ai mis en place dans l’entreprise dans laquelle je travaille un code de déontologie très strict qui est respecté, la confidentialité notamment : le coach ne fait jamais de « feedback » sur son client. C’est le client qui choisit son coach, tout cela est fondamental. Selon moi, le coaching peut être une nouvelle culture des relations professionnelles fondée sur davantage de confiance et d’autonomie. Ceci étant, le coaching n’est pas un miracle, et le contexte actuel est compliqué.

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