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Connaître l’impossibilité de la demande

Jean FURTOS
Pierre MORCELLET

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°2 – Métamorphoses de la demande et engagement dans le soin (Septembre 2000)

«  J’en connais des démunis et des malheureux qui sont assez fiers de caractère. Si on ne va pas au devant d’eux, ils n’iront pas demander. Il faut des personnes de métier qui aillent sur le terrain. Un refus ou deux et ils vont se buter et n’iront plus demander quoi que ce soit » (Extrait du journal interne d’un Centre d’Accueil de Jour, propos de Mr P.,, homme de la rue. Janvier 2000).

Le fait sémiologique

Une bonne santé psychique est nécessaire pour demander de l’aide au moment où l’on en a besoin. Demander suppose de reconnaître, face à soi-même et à autrui, que l’on manque. Cela suppose la double perspective d’envisager à la fois la perte (et donc le deuil) mais aussi le combat et pas tout seul. Cela suppose la possibilité d’en souffrir, la lucidité de l’analyse (des causalités), l’humilité de la demande (et non la honte) ainsi que la force de l’action.
C’est dire combien une demande appropriée de relation d’aide est un luxe – oh combien nécessaire – de personne en bonne santé, qui, à la fois, conduit à la santé. Cela concerne le champ de la précarité sociale mais bien au delà.

Principes d’une conduite à tenir devant une non demande en situation de détresse (psychique, somatique, sociale)

1) La considérer d’abord comme un signe sémiologique et existentiel de détresse
2) Respecter la non demande sans pour autant se déresponsabiliser d’une offre (de soin, d’aide).
3) Il y a des manières de parler des besoins constatés, ressentis des manières d’insister et de trouver des compromis sans sombrer dans la facilité de l’abandon à personne en détresse.
4) L’une des modalités est la prise en compte de la demande émanant de tiers (souvent tiers sociaux) sans tirer trop vite la couverture du désir de la personne ou du secret médical.
5) Une autre modalité est d’accepter l’inversion fréquente des demandes: demande d’un logement ou d’un travail au psy, expression de la souffrance au travailleur social. Le paradoxe, c’est à dire un monde apparemment à l’envers, fait partie des souffrances identitaires narcissiques. Dans ce contexte, éviter le syndrome de la « patate chaude » («allez voir ailleurs si j’y suis») et ouvrir sur le partenariat.
6) Le plus difficile, pour l’aidant, est d’accepter de souffrir de son impuissance relative et parfois absolue et de considérer la dimension du temps (« demain, après demain, peut-être… »)

Une vignette de non demande

Cet homme que je rencontre  à Relais-SOS est blême, il a l’air vraiment épuisé. Je le connais par ailleurs et je sais qu’il a une pathologie somatique grave. Je m’approche de lui et lui conseille de se faire hospitaliser. Il me répond : « Je ne peux pas encore, j’attends de tomber ».
Effectivement, ne pouvant demander, ou ayant l’impression que sa demande ne serait pas acceptée, sa vision d’entrée dans la procédure du soin est de tomber dans le CHRS ou dans la rue, et alors les pompiers sont appelés et l’amènent à l’hôpital en très mauvais état, donc on est « obligé » de le prendre ; le refus devient impossible en l’absence de demande car c’est le besoin du corps qui s’exprime à la place du sujet.

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