Rhizome : En tant que clinicien, comment qualifieriez-vous la radicalisation ? Comment expliqueriez-vous que les jeunes soient beaucoup plus touchés par ce phénomène ?
Jean Chambry : Je n’aborderai cette question que sous l’angle de l’expérience de prise en charge des adolescents en grande difficulté, c’est à dire que je n’aborderai ce processus que chez les adolescents et les jeunes adultes. La radicalisation ne peut pas se limiter à une explication psychopathologique ou psychiatrique. C’est un phénomène qui interroge notre société sur ses choix politiques, idéologiques… Il faut d’ailleurs distinguer deux aspects face à la radicalisation : d’une part, le besoin d’investir une forme de pensée unique, illusion d’une vérité qui bannit toute forme de doute ; d’autre part, le basculement dans la haine de l’Autre différent, qui autorise alors la violence et la destructivité. Je ne me hasarderai pas à commenter la notion d’amplification du phénomène car il faudrait, pour cela, disposer d’études pluridisciplinaires permettant un regard historique. Je pense que les facteurs à l’origine de ce processus reposent sur les fragilités du fonctionnement psychique humain, qui existent depuis toujours mais qui s’expriment sous cette forme en raison des supports culturels, sociologiques, religieux disponibles aujourd’hui.(…)