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Paroles d’un médecin de banlieue

Philippe FOUCRAS - Médecin généraliste, Roubaix

Année de publication : 2006

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Médecine, PUBLIC PRECAIRE, SCIENCES MEDICALES

Télécharger l'article en PDFRhizome n°22 – La médecine générale à corps et à cris (Mars 2006)

Dans une des villes les plus pauvres de France, « capitale de la CMU, titrait le journal local », une gamine dans la rue m’avait dit : « Si vous avez pas de cabinet, vous êtes pas un vrai médecin. » Les pauvres, ils veulent se soigner comme tout le monde, ils veulent des vrais médecins. La décision était prise. J’ouvrais un cabinet de ville. Les pauvres allaient pouvoir se soigner maintenant. Mais ma médecine de qualité certains n’en voulaient pas.

« Comment ? Faut se déshabiller ? Mais le médecin d’en face, il me demande pas ça pour mes médicaments ! » – « Comment ? Une prise de sang pour signer le papier de grossesse ? C’est bien la première fois ! Vous croyez que j’ai que ça à faire ? » – « Qu’est ce que c’est que ces conneries que j’ai un souffle au cœur ? Quel rapport ça à avec mon certificat de sport ? Moi on me l’a toujours signé comme ça… Et il faudrait payer en plus ? » – « Vous savez ce qu’on dit dans le quartier ? Le nouveau docteur il veut pas donner de médicaments » – « Mais c’est parce qu’il les connaît pas ! ».

Et puis il y a ceux avec qui ça marchait. « Avec vous au moins, on peut parler à son compte ! » – « J’venais chercher des cachets, mais maintenant ça va mieux, j’en ai plus besoin ».

Au moment où je m’apprête à arrêter la pratique de soins, d’autres visages défilent encore. Quand épuisés, l’infirmière et moi on est tombé dans les bras l’un de l’autre, cette nuit-là. C’était devant Dédé. Il venait de mourir. Dans son lit, sans souffrir, comme il voulait. On était heureux d’avoir obéi à Dédé. Pour une fois qu’il obtenait ce qu’il demandait dans la vie Dédé. On avait fait du bon boulot. Il y avait le patient à la rue, sous insuline, qui arrivait à s’équilibrer. Il y avait Robert qui arrêtait de boire pour la première fois. Il y avait Ahmed, asthmatique depuis dix ans qui, pour la première fois, enlevait le bouchon de son inhalateur et s’apercevait que, oui, il respirait mieux… Il y a là un vrai défi pour la société et la médecine ! Saurons-nous le relever ?

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