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Sur le terrain des pratiques : Une expérience de travail pluridisciplinaire à l’échelle ville

Pilar ARCELLA-GIRAUX - Coordinatrice Atelier Santé Ville, Aubervilliers

Année de publication : 2004

Type de ressources : Rhizome - Thématique : PUBLIC PRECAIRE, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°16 – Territoires, limites et franchissements (Juillet 2004)

Comme on le verra dans ce texte, le territoire est implicitement défini, au-delà des technicités mises en place, comme le lieu où  des professionnels d’institutions différentes peuvent se rencontrer pour élaborer ensemble leurs difficultés1.

En 2001 a été mise en place à Aubervilliers la démarche « Atelier Santé Ville2 » sous la coordination du Service Communal d’Hygiène et de Santé. Les acteurs des domaines sanitaire et social ont très vite adhéré à cette initiative, notamment ceux du Service social municipal, du secteur psychiatrique, du CMPP, du Service d’accueil des travailleurs handicapés, du dispositif RMI, de l’Aide Sociale à l’Enfance, du Service Vie des quartiers et de la Mission Locale.  A cette mobilisation institutionnelle s’est ajoutée celle de la médecine libérale par le biais du Réseau ville–hôpital.  Un groupe de travail a été constitué et s’est attaché pendant cette première année à analyser les besoins de santé prioritaires de la ville et les stratégies qui pourraient être adoptées par l’Atelier Santé Ville pour l’action à suivre. La mise en œuvre d’un volet « santé mentale » a été rapidement décidée et assurée de manière partagée par les membres du groupe.

La première action retenue par le groupe a été la mise en place de réunions interprofessionnelles – les RESAD (réunion d’évaluation des situations d’adultes en difficulté)- conçues comme un appui au professionnel demandeur pour l’élaboration d’un projet d’accompagnement autour d’une personne ou d’une famille. Le but de ces réunions est de faciliter la concertation et la coordination entre les professionnels autour de situations concrètes dans lesquelles l’imbrication de difficultés (éléments de souffrance psychique avec ou sans maladie mentale intriqués avec des difficultés sociales, d’insertion, etc.…) rend difficile, voire illusoire, le suivi par un seul acteur.

La RESAD a commencé à fonctionner pratiquement à partir de décembre 2001. Elle se tient le premier lundi de chaque mois dans la salle de réunion du service social municipal et n’importe quel professionnel de santé ou social travaillant dans la ville peut la saisir. Un maximum de trois situations peut être analysé lors de chaque réunion (une heure de discussion est consacrée à chaque situation). Compte tenu de la spécificité du réseau d’acteurs travaillant autour des personnes âgées, une RESAD « personnes âgées » s’est mise en place à partir du deuxième semestre 2002.

La RESAD est composée de membres permanents (la directrice du Service Social, le psychiatre responsable du Centre d’Accueil et de Crise, un médecin généraliste du Centre Municipal de Santé et la responsable adjointe de la Mission locale) qui y siègent du fait de leur compétence technique mais aussi du fait de leur fonction de « cadre » engageant ainsi leur service. Pour les RESAD « personnes âgées », ce comité est complété par les responsables du CCAS et des équipes municipales médico-sociales d’aide personnalisée d’autonomie et de soins infirmiers à domicile. Par ailleurs, le professionnel sollicitant la RESAD invite les professionnels intervenant ou étant intervenus sur la situation  présentée.  Il peut également inviter des professionnels ayant une compétence spécifique par rapport à la situation exposée. L’Atelier Santé Ville assure l’animation, le suivi et l’évaluation de cette action.

En 2003, ont été analysées en RESAD 23 situations, individuelles ou familiales, concernant au total 29 personnes dont la moitié était constituée par des personnes âgées. Les situations présentées correspondent aux critères d’inclusion des RESAD puisque toutes montraient une imbrication de difficultés sociales et de santé.  Ainsi, par rapport aux difficultés socio-économiques, la majorité (86%) était confrontée à des problèmes de logement (habitat indigne, troubles de jouissance, risque d’expulsion, habitat inadapté) et seules deux personnes en âge d’être actives avaient un travail stable. Ces personnes souffraient le plus souvent d’une grande solitude ; la plupart d’entre elles entretenaient des liens difficiles, voire aucun lien, avec leur famille.  Seule une personne vivait en couple. Pour ce qui est des difficultés de santé, un tiers souffrait d’une maladie psychiatrique avérée et 3 personnes avaient des antécédents neurologiques.  Par ailleurs, dans 5 situations, la RESAD a recommandé des mesures de protection juridique pour des personnes concernées. Enfin beaucoup de situations touchaient des personnes présentant des pathologies sévères ou handicapantes (diabète, maladies cardiaques, etc.)

L’évaluation qualitative, faite par le biais de questionnaires envoyés aux professionnels ayant participé à cette action en 2003, a montré que la plupart considèrent que les RESAD ont totalement ou partiellement répondu à leurs attentes. Cependant, il y a des disparités concernant notamment leur degré de satisfaction face à l’évolution des situations présentées.  Ainsi, les acteurs sanitaires ont tendance à dire que les situations présentées en RESAD ont évolué dans un sens positif, tandis que les acteurs sociaux ont plutôt tendance à considérer qu’il n’y a pas eu d’évolution ou que celle-ci s’est faite dans un sens négatif.  Sachant que l’évaluation a été réalisée en février 2004, on peut penser que, sur le court terme, il est difficile de trouver des solutions notamment aux problèmes de logement très présents dans les situations analysées (difficultés qui touchent les acteurs sociaux) alors que les difficultés sanitaires trouvent plus rapidement des solutions à type de suivi.  Seules des évaluations sur le plus long terme peuvent nous permettre de savoir si cette différence est susceptible de mettre en péril le travail pluridisciplinaire réalisé à l’échelle de la ville, tel que la RESAD le propose.

Notes de bas de page

1 NDLR

2 Les ASV, créés par le Comité Interministériel des Villes de décembre 1999, ont été mis en place ou sont en voie de l’être en 2004 dans plus de 90 villes de France

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