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Accueil thérapeutique et adolescence dans le Service de Psychiatrie Infanto-Juvénile du Nord des Hauts de Seine

Michèle ZANN - médecin responsable de l’U.A.T.A.
Jeanne GAILLARD - éducatrice spécialisée à l’U.A.T.A.

Année de publication : 2001

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°6 – Jeunesse, le devoir d’avenir (Octobre 2001)

La création de l’U.A.T.A. (Unité d’Accueil Thérapeutique pour Adolescents) en 1995 a été le fruit d’une élaboration du Service de Pédopsychiatrie Infanto-Juvénile du Nord des Hauts de Seine1, à propos de la difficulté d’accès aux soins des adolescents.

« Davantage de demandes autour des adolescents qu’émanant des adolescents eux-mêmes »

Le constat unanimement partagé par les équipes soignantes en psychiatrie est que seul un petit nombre d’adolescents en difficulté accepte de venir dans un centre de consultation médico-psychologique classique (CMP enfants, adultes) voire même de rencontrer un médecin généraliste. Ces jeunes sont parfois hospitalisés en urgence lors d’une tentative de suicide ou lorsque la souffrance prend le masque du somatique. Il est bien rare qu’une fois sortis, ils utilisent les coordonnées qui leur ont été fournies.

En revanche, beaucoup de partenaires s’inquiètent et sollicitent les services spécialisés pour des adolescents en situation de souffrance. La majoration des passages à l’acte, et notamment des comportements de violence, génère un malaise impressionnant débordant les adultes directement concernés.

Les situations de déserrance avec menace de rupture des liens familiaux et sociaux, les conduites d’absentéisme scolaire et de déscolarisation sont également fréquentes et préoccupantes.

C’est dans ce contexte que notre service de psychiatrie infanto-juvénile a engagé une réflexion visant à aménager l’accueil de la souffrance des adolescents et de ceux qui les entourent.

« De la rencontre avec les Partenaires… à l’Adolescent »

Une équipe composée d’un équivalent de cinq temps pleins (psychiatre, psychologue, infirmier, éducatrice, assistante sociale, orthophoniste, secrétaire) s’est constituée par redéploiement des autres unités du service en 1994. Le projet a privilégié l’accueil et la rencontre des professionnels auprès desquels les adolescents expriment leur malaise, car ces derniers sont le plus souvent « non demandeurs de soins », se révélant dans l’inadaptation aux structures sociales existantes (établissements scolaires ou éducatifs) ou en rupture de soins (hôpitaux de jour, centres spécialisés) ; les équipes sont confrontées à l’exclusion du jeune, à la rupture progressive du lien.

Les adultes demandeurs font partie des équipes de terrain dans les lieux familiers des adolescents  de « la cité » ( Club de prévention, Protection Judiciaire de la Jeunesse ), dans les établissements scolaires ( équipe médico-sociale, communauté scolaire ). Ces adultes, dans leur approche quotidienne des jeunes, sont déjà repérés et dans un lien de confiance avec nombre d’entre eux.

Nous avons aussi affaire aux équipes de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), aux équipes éducatives de l’Aide Educative en Milieu Ouvert (AEMO) et aux structures spécialisées (IMP : Institut Médico-Pédagogique ; IMPRO : Institut Médico-Professionnel ; CMPP : Centre Médico-Psychopédagogique). Nous rencontrons des adultes en souffrance, dans l’impossibilité de formaliser un projet.

L’équipe de l’Unité d’Accueil Thérapeutique pour Adolescents, avant toute adresse vers un soin, va susciter la rencontre des diverses personnes concernées par la situation. En effet, l’implication des adultes préoccupés par un jeune va permettre une reconnaissance du type de difficultés rencontrées, donner une assise et un contenant à l’expression de la souffrance.

Ce dispositif de soins peut être décrit comme une surface d’accueil large qui remet en place chacun des intervenants dans son efficience et constitue ainsi autour du jeune une « équipe élargie ». Le travail se situe le plus souvent dans l’actuel. Il s’agit de nouer ou de renouer les liens avec un ensemble communautaire encore existant mais très vulnérable.

Parfois, ce travail se suffit en lui-même. Parfois il conduit à l’accompagnement du jeune vers notre structure pour un suivi plus spécialisé. La réponse apportée par l’adulte (infirmier, éducateur ou autre), lorsqu’il s’agit d’une orientation vers notre structure, peut être vécue comme dangereuse pour l’adolescent ; elle peut engendrer des angoisses de rupture, de désolidarisation de son milieu. IL s’agit de mettre en place un dispositif de soins qui préserve ce lien ténu.

« Quel travail avec quels adolescents ? »

Du fait de notre spécificité, nous passons donc autant de temps avec des tiers professionnels à élaborer autour de jeunes en difficulté qu’avec les adolescents qui viennent nous voir avec une assiduité certaine. Qui sont ces adolescents dont nous entendons parler ou que nous rencontrons dans des lieux aussi divers que collèges, lycées, planning familial, club de prévention, hôpitaux ? Nous ne constatons pas de majoration des pathologies psychiatriques lourdes « classiques » telles que psychoses ou dépressions sévères (peut-être ces troubles donnent-ils lieu à d’autres orientations vers d’autres centres de soins pourtant bien insuffisants en région parisienne ?).

Nous rencontrons surtout des adolescents présentant davantage des troubles à l’adolescence que de l’adolescence. La plupart ont vécu leur enfance et leur petite enfance dans des contextes très douloureux, souvent marqués par la perte des repères familiaux, sociaux, institutionnels, et ont subi l’acculturation problématique du migrant et de l’indigène. La plupart aussi ont été carencés de mots, de regards, d’environnements enrichissants. Beaucoup sont éprouvés par la situation sociale et certains sont traumatisés par des événements vécus dans les guerres actuelles.

Avec ces adolescents, le travail de l’U.A.T.A. se situe, nous l’avons vu, avant tout dans l’actuel. Il ne s’agit pas toujours d’un travail au long cours, ce qui ne préjuge en rien des accompagnements reconduits d’étape en étape ou de l’orientation ultérieure de l’adolescent vers un travail de psychothérapie.

La ressource essentielle à la place qui est la nôtre ici et maintenant, avec l’adolescent, nous semble être dans le travail au long cours avec les adultes de la « cité ». Ce souci du lien et de l’environnement, du travail avec les professionnels semblent actuellement se développer dans de nombreuses structures psychiatriques.

Dans le cas de l’adolescent, notre expérience nous semble très positive et enrichissante sur deux points essentiels : la prévention et l’accès aux soins de l’adolescent. Il s’agit néanmoins d’un travail difficile où il convient de rester très vigilant concernant notamment le respect de la confidentialité et du secret médical. La place de la famille est également à prendre en compte et la restauration du lien familial est souvent l’un des aspects importants de notre travail.

Ces pratiques sont très consommatrices de temps et exigent des équipes aux compétences diversifiées et complémentaires. Il nous paraît donc très important, dans le contexte de la fragilisation actuelle de la psychiatrie publique, que ces expériences puissent se développer et se confronter.

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