La prise en compte de la place et du savoir des usagers s’est souvent fait, en France, sous la modalité du conflit identitaire, tout particulièrement en santé mentale. Depuis plusieurs décennies, la politique de reconnaissance et de transmission des savoirs profanes s’est cependant progressivement imposée, par la loi. Mais voici que, dans ce champs que l’on croyait pacifié, les discussions actuelles sur l’introduction de pairs-aidants, ou médiateurs de santé rémunérés au vue de leur expérience de la maladie, porte à nouveau à incandescence les problématique identitaires : qui est qui, qui soigne, qui est soigné ? Les pairs-aidants vont-ils remplacer à moindre coût les professionnels de santé ?
Les contributions de ce numéro sont pour la plupart, et c’est une surprise, marquées du sceau d’un consensus approbateur, ou de critiques modérées ; elles ne reflètent pas le ton vif des discussions entendues ici ou là, au comité de rédaction de Rhizome, par exemple. Elles ont en tous cas l’avantage de resituer ce mouvement dans l’histoire de la seconde moitié du 20ème siècle. L’entrée en scène des savoirs profanes n’est ni hexagonale ni psychiatrique. La toile de fond est celle du mouvement américain des droits civiques des années 60, qui mettent sur pied des principes et des pratiques en rupture avec le modèle médical, dont certains aspects ont été considérés comme maltraitants. Les scènes d’expérimentation sont celles des usagers de drogue, qui inventent les prémisses d’une politique de réduction des risques, mais aussi celle des personnes handicapées autour de la notion de vie autonome. (…)