Les crises humanitaires, telles que les situations de conflits armés ou les catastrophes naturelles, ont indéniablement des conséquences psychologiques ou émotionnelles sur les personnes. En français, le trauma signifie à la fois l’expérience objective d’un ou d’incident(s) critique(s) potentiellement traumatisant(s) et l’expérience subjective de l’effroi provoqué par ce ou ces même(s) événement(s). Ce double emploi a sans doute contribué au raccourci trop souvent fait entre traumatisme et trauma.
On parle en effet souvent de « populations traumatisées », comme si le mot trauma avait le pouvoir quasi magique d’attirer l’attention de la communauté humanitaire, des diplomates, des donateurs et des journalistes, le risque étant de le (sur)utiliser pour accentuer et renforcer une souffrance humaine. Si celle-ci est bien réelle, elle ne peut se réduire à la seule notion de « traumatisme psychologique » au détriment d’autres problématiques, notamment sociales (on ne peut nier les déterminants sociaux de la santé mentale), ou en passant à côté des manifestations psychologiques qui ne cadrent pas toujours avec celles décrites dans les manuels diagnostiques internationaux. En Palestine, où j’ai travaillé pendant plusieurs années, il n’est pas rare que le trauma s’exprime par les maux du corps – une façon légitime de gérer des émotions extrêmement douloureuses en lien avec la situation politique. On en arrive aussi à oublier que les personnes qui vivent dans des contextes fragiles et qui font face à l’adversité de manière soudaine et/ou continue peuvent développer des mécanismes de résilience. Méfions-nous donc des dérives qui consistent à penser de manière trop linéaire que les guerres, les catastrophes naturelles, les crises engendrent des traumatismes chez tous les individus. (…)