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Réflexion sur la violence en milieu scolaire

Ghislaine HUDSON - Proviseure du Lycée Darius Milhaud, 94270 Le Kremlin-Bicêtre

Année de publication : 2010

Type de ressources : Rhizome - Thématique : TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°39 – Contribution à la notion de paranoia sociale (Juillet 2010)

Le drame survenu au Kremlin Bicêtre (décès d’un élève ayant reçu au sein du lycée un coup de couteau) est encore prégnant dans nos esprits et notre vie.

En externe, les lycées de l’académie de Créteil ainsi que certains quartiers sont touchés par une succession de faits de violences : individus armés d’objets dangereux entrant par effraction dans un lycée ou un gymnase, réaction vive de l’institution avec droit de retrait, grèves et manifestations. Les établissements concernés et l’académie de Créteil se trouvent au centre de l’attention des médias, victimes parfois de récupération politique.

En interne, les communautés scolaires ont du mal à se ressouder : peu de moyens supplémentaires alloués, une scission entre les équipes de direction et les enseignants, entre enseignants et familles de diverses sensibilités.

Les quartiers sont souvent en ébullition et à ce jour des tensions entre cités et bandes rivales perdurent. Leurs lycées sont l’objet d’une stratégie d’évitement de la part des familles, ils se « ghettoïsent ».

Le lycée Darius Milhaud reste très marqué par ce drame. La réaction immédiate fût sobre : devant la mort on retient son souffle, on se serre les coudes, on s’entraide. Il y a le temps du choix, celui du deuil forcément unitaire et solennel, celui de la révolte, de la recherche de responsables, de la réflexion puis de l’éducation. Il y a surtout de nombreux interlocuteurs, tels que la famille et les proches, les voisins, les amis et classes concernées, les quartiers. Tous ont leur mot à dire dans la gestion de cette douleur et nous nous sommes efforcés de respecter les valeurs et convictions des uns et des autres.

Le lycée a fonctionné et pourtant : les élèves les plus proches de la victime souffrent et s’absentent, se déscolarisent ; les familles des deux belligérants sont marquées à vie ; le lycée tente de répondre aux questions lancinantes des familles et élèves : pourquoi cela ? Comment l’éviter ?

Sur la violence en milieu scolaire

Ce titre recouvre plusieurs réalités car plusieurs violences coexistent au sein des établissements :

  • Les manifestations de violence qui viennent de l’extérieur : régler son compte à un ennemi supposé, prolonger son conflit de quartier à l’intérieur d’un établissement scolaire. Il s’agit alors d’un contexte de sécurité générale et se pose le problème de la protection de l’école vis-à-vis des éléments étrangers. Faut-il alors se couper du monde extérieur et « sanctuariser » l’école ?

En dépit de la polémique sécuritaire sur les portiques et la vidéo surveillance il est important de réaffirmer que l’école doit être matérialisée. L’élève doit franchir une ligne réelle, une « frontière » entre son vécu et son cadre d’études. Il sait qu’il laisse alors derrière lui ses problèmes et ses conflits, sa musique et ses « chats », qu’il entre dans un monde apaisé et sécurisé. Bien sûr cela ne signifie pas que l’école se désintéresse du vécu de l’élève, mais elle doit marquer sa différence, son territoire. Les outils mis à disposition sont tout d’abord matériels : l’école doit être entourée d’une clôture étanche, d’un portail qui filtre entrées et sorties, de caméras vidéo extérieures dissuasives. Le reste du dispositif concerne l’humain. C’est lui qui fera toute la différence : des personnels formés et attentifs qui connaissent les élèves et sont capables d’appeler à l’aide en cas de difficultés importantes, de conduire un dialogue constructif avec les jeunes, d’animer des lieux d’écoute et de conseils, de fédérer les acteurs locaux dans et hors l’école.

  • Les violences qui sont vécues de l’intérieur : bagarres entre élèves, défis, difficultés à accepter le contrôle scolaire, agitation permanente, petits vols, incivilités, « embrouilles », vengeances pouvant conduire jusqu’à des faits d’agression graves. Les jeunes reproduisent alors les comportements de leur vie sociale et familiale, la « frontière entre le vécu et le cadre des études » n’est plus étanche, le quotidien devient insupportable pour les enseignants voire les autres élèves : déstabilisation, épuisement, conduites à risque, déscolarisation. Les outils dans ce domaine sont essentiellement éducatifs : travail d’équipe, mise en place de lieux d’écoute et de parole, de personnels relais, organisation de sensibilisations et d’actions qui répondent à cette problématique. Ce travail peut être mené dans la classe ou hors temps scolaire.

Les actions conduites hors temps scolaires

A titre d’exemple, le lycée Darius Milhaud a organisé au sein de l’établissement plusieurs soirées à thème, en partenariat avec les villes et associations alentours :

  • Travail sur les peurs, celle de la violence familiale, conjugale, sociale, peur du racisme, de l’anti sémitisme, de l’homophobie, peur des relations hommes/femmes, des rapports de force.
  • Actions sur la responsabilité : « A 18 ans tout est permis ? », avec des sensibilisations à la consommation, à l’engagement citoyen, au respect de soi et de la planète.
  • Actions sur les conduites à risque et la connaissance de soi.

L’objectif de ces actions auxquelles les jeunes ont participé nombreux et avec enthousiasme est certes de traiter les sujets évoqués mais surtout de créer les conditions d’un dialogue et de libérer la parole. Ce sont des espaces et des moments d’échanges non seulement avec les adultes du lycée mais avec les partenaires qui nous entourent. D’autres actions furent menées dans le cadre du Conseil de Vie lycéenne, notamment la réflexion sur le Règlement Intérieur et son appropriation par les élèves. Les familles sont associées par le biais des délégués des classes ou des élus du Conseil d’Administration. Elles sont aussi accueillies au sein du lycée notamment lors d’une semaine d’intégration pour les nouveaux élèves afin de fixer les modalités d’information, de concertation, d’implication des parents, de donner du sens aux études.

Enfin pour favoriser le dialogue entre adultes et jeunes de la communauté éducative, nous mettons en place cette année un Environnement Numérique de travail. Il ne se substituera pas aux contacts humains, mais il permettra aux familles éloignées de s’informer régulièrement, de faire entendre leur voix.

Les actions conduites dans la classe

La relation pédagogique, les procédures sélectives d’orientation, le poids des effectifs, le rôle culpabilisant de l’échec, l’ennui, tous ces éléments peuvent contribuer à générer de la violence dans la classe. Les adultes sont peu formés à la gestion de ces manifestations souvent déstabilisantes. Nous avons le souci de les aider à surmonter ces difficultés par des ateliers et stages spécifiques sur la gestion de la violence dès les premières semaines de l’année scolaire. Le travail d’équipe, sous la conduite du professeur principal, se révèle lui aussi indispensable. Nous réunissons nos enseignants à la mi-trimestre pour dresser un premier bilan de nos élèves et alerter les familles des premières difficultés.

Ainsi se précise pour nous tout au long de l’année les réponses aux familles à juste titre inquiètes du climat du lycée : une « frontière » efficace mais surtout un dialogue permanent et des actions éducatives permettant de recréer la confiance entre jeunes et adultes indispensable à la gestion des conflits.

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