La question de la rédaction d’un rapport médical se pose de plus en plus pour les psychiatres sollicités par des migrants, notamment dans le cadre de demandes de régularisation pour raison médicale. Depuis 1974, et le début de la « crise », les voies de régularisation – surtout par le travail – se sont amenuisées. Aussi, les migrations sont moins collectives et les procédures de régularisation plus individualisées. À ce titre la demande de régularisation au titre de la santé est paradigmatique de ce mouvement : la procédure concerne des individus malades. Schématiquement, il ne s’agit plus de régulariser un individu collectif porteur d’une histoire, d’un conflit géopolitique, d’une nation meurtrie, tels les Chiliens en 1974… Ces évolutions induisent un glissement, le médecin, devenant acteur du traitement de la demande, a la sensation de devoir porter le soupçon des pouvoirs publics envers le migrant. Entre un souci militant, une réflexion éthique, une identité professionnelle de soignant, la question se pose : faut-il rédiger des rapports médicaux ?
Contexte migratoire
Avant toute chose, il est bon de rappeler que la question migratoire s’inscrit à l’échelle mondiale. Selon Catherine Withol de Wenden, « les migrations se sont mondialisées depuis trente ans, et ont triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions de personnes résidaient dans un autre pays que celui où elles étaient nées en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, plus de 200 millions aujourd’hui. » [1]. Elle rajoute qu’« on a coutume de dresser des typologies des flux migratoires selon leurs buts, en séparant les migrations de travail, les migrations familiales, les migrations d’études et les mouvements de réfugiés, selon leur caractère volontaire ou forcé. Mais on assiste actuellement à un glissement des catégories de migrants, qui empruntent plusieurs profils au cours de leur vie et qui appartiennent à plusieurs profils à la fois, le migrant économique se distinguant peu du demandeur d’asile et les personnes rejoignant leur famille venant aussi pour travailler. » [1]. Les catégories mobilisées pour désigner les migrants, qu’elles soient administratives, politiques, sociologiques, sont de plus en plus poreuses, et ne permettent pas de documenter de manière précise les raisons de la migration. Il faut aussi noter que les profils des migrants primo-arrivants évoluent au gré des conflits, des possibilités de régularisations, des passeurs… (…)