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Accompagnement et maintien au logement dans la psychiatrie de secteur et les politiques publiques à Marseille

Pierre MORCELLET - psychiatre responsable de secteur, responsable d’EMPP
Valeria MANTELLO - psychologue, coordinatrice de réseaux
Frédéric BUET - membre de l’association ARISMM, locataire
Farida AGOUDJIL - assistante sociale en CMP, membre de l’ARISMM

Année de publication : 2014

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, Psychologie, PUBLIC PRECAIRE, SCIENCES HUMAINES, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°51 – Actualité et sens de l’accompagnement au logement (Janvier 2014)

Le logement est devenu une préoccupation essentielle dans la pratique de la psychiatrie de secteur en milieu urbain telle que nous en avons l’expérience à Marseille. Des chemins divers ont conduit ces dernières années les acteurs du social et du soin dans un « travailler ensemble » autour de la question de l’habitation, car elle se pose en amont et en aval du soin, autant que comme objet de soin elle-même. La création en 2006 d’un COSM (Conseil d’Orientation en Santé Mentale) sur la volonté d’une élue de la Ville et la mise en place en 2007 d’un Atelier Santé Ville en Santé Mentale, visant à la prévention, l’accès au soin, l’insertion – dont l’insertion par le logement, ont permis que des « réseaux » soient mis en place qui instituent des pratiques nouvelles. L’accompagnement au se loger et à l’habiter est ainsi devenu un enjeu social et de santé de première importance tout en dévoilant au fil de la pratique la complexité de son approche.

Sans doute, auparavant, l’Asile, et, après lui, l’Hôpital Psychiatrique et le Centre Hospitalier Spécialisé, ont rempli une fonction sociale : la fonction asilaire d’hébergement. On sait aussi les effets délétères et de chronicisation   de l’institution asilaire sur les malades et ses effets d’exclusion et de stigmatisation pour ces citoyens. La politique de secteur a au contraire consisté à partir des années 60 en la construction de dispositifs et de pratiques de proximité, impliquant positivement l’environnement social et familial du « patient », selon une logique d’inclusion, qui donne place au malade psychique dans la cité. Le mouvement dit de « désinstitutionalisation » des années 70 a promu des structures alternatives à l’hospitalisation telles que l’Hôpital de jour, le CATTP et d’autres,  pour  l’accès au soin et l’insertion sociale. Le CMP a été défini dans les années 80 comme le « pivot » du Secteur, renversant ainsi la représentation hospitalocentriste du soin en psychiatrie. Plus tard, dans les années 90-2000, les mouvements d’usagers, de travailleurs pairs, la création de GEM (Groupes d’Entraide Mutuelle), ont porté plus loin la question de la participation active des « usagers » à la société et à l’organisation du soin lui-même.

CMP et vie associative

Le Secteur 11 de psychiatrie générale à Marseille correspond au 1er et à une partie du 2ème arrondissement de la ville ; il est un des six secteurs du Centre Hospitalier Édouard Toulouse qui dessert le centre ville et les quartiers Nord. Dès les années 80-87, trois de ces six secteurs, se dotaient d’associations loi 1901 afin de promouvoir l’accès au logement et un accompagnement spécifique à partir de leur CMP. Ainsi, dans le secteur 11, l’ARISMM a été créée en 1982 : Association pour la réadaptation et l’insertion des malades mentaux, selon un vocabulaire propre à l’époque. Car si les malades psychiques ne vivent plus à l’hôpital où logent- ils ? Et quid de la question de la chronicité de certains troubles psychiatriques ? Le constat de la difficulté pour certains confrontés à la vie dans la cité, du fait du regard porté sur eux et du fait de leur apragmatisme ou de leurs défenses parfois paradoxales, ont fait placer au centre de la problématique à traiter pour aborder la question de l’hébergement celle du lien social. L’objet de l’association est ainsi de « favoriser le maintien et le développement des relations sociales et affectives chez des personnes dont les difficultés psychiques ont provoqué la détérioration de ces liens ». D’abord les logements furent collectifs, à deux ou trois personnes, où ces liens se trouvaient à créer et promouvoir, accompagnés par des visites à domicile de soignants de l’association intervenant à partir des structures ambulatoires du service (CMP, HDJ, CATTP). Mais cette position fut à revoir. Aujourd’hui la très grande majorité des appartements de l’ARISMM sont individuels : 16 sur 19.

Ainsi, l’ARISMM a développé un partenariat avec un bailleur social et est locataire aujourd’hui de 19 logements pour 23 personnes. Des contrats de sous-location lient les habitants de ces appartements à  l’association,  parallèlement à un contrat de soin individualisé avec le secteur. Des visites  soignantes  régulières  sur le lieu d’habitation sont effectuées, à un rythme variable selon la situation de chacun. Une attention particulière est portée à la vie associative : des réunions bimensuelles qui se veulent conviviales sont un temps de partage de café, de biscuits de fêtes d’anniversaires, mais aussi d’expériences, où la parole circule. Soucis techniques dans l’appartement, mais aussi le quotidien, les plaisirs de la vie dans la ville, ce qui s’y passe sur le plan culturel, des projets de sorties ou de loisirs, le plaisir aussi de se trouver chez soi et ses difficultés parfois, etc., s’y trouvent abordés. Des projets personnels de décoration ou d’amélioration de l’habitat se sont trouvés mis en commun, qui ont conduit à la création d’un « Groupe Travaux » de 6 à 8 personnes qui interviennent pour repeindre, meubler ou transformer un ameublement (par exemple transformer un miroir pour en faire un objet de décoration en mosaïque) chez un tel qui en fait la demande au sein du groupe. On voit ainsi comme l’habitant se trouve porté par les autres à investir son logement, à « l’habiter », ce qui n’est pas une évidence donnée a priori pour nombre de « patients ».

Les personnes impliquées dans l’association se vivent comme un collectif, co-concernées par ce qui se passe là. Des baux glissants font que des personnes logées par l’intermédiaire de l’association peuvent voir le bail à leur nom tout en continuant de faire partie de l’association ; il est un « membre d’honneur » qui s’est investi dans l’association sans être logé par elle. Des sorties pour des événements culturels se font, avec ou sans soignants, parfois avec le soutien de l’association Culture du Cœur (permettant à des personnes de faibles revenus d’accéder à des places de cinéma, théâtre, musées…). Autre temps fort : l’Assemblée Générale annuelle, devenue le « pique-nique de  l’ARISMM »,  qui rassemble l’ensemble des membres de l’association, fait événement à chaque fois et fait mémoire, en accueillant aussi d’anciens membres (soignants ou pas) venus s’informer et marquer leur engagement solidaire avec l’action de l’association.

Car la dynamique associative porteuse ici  de « l’habiter » se fonde dans ce lien social et de solidarité ainsi créé. Le « groupe travaux » s’est constitué de fait lorsqu’un nouveau membre de l’association a été en passe d’intégrer un logement dégradé comme il peut en exister beaucoup en centre ville, à un moment où l’association n’avait pas les moyens financiers de faire intervenir une entreprise  privée.  Les autres membres de l’association se sont alors mobilisés, et, encadrés par une infirmière, ont effectué les travaux nécessaires de nettoyage et réfection, permettant en quelques jours à Monsieur T. d’intégrer son logement. Durant les travaux, les autres « patients », voisins, rendaient visite, encourageaient, étaient  accueillis.  Le « groupe chantiers » (ou « travaux ») était né. Cette dynamique s’est poursuivie, pour refaire un sol ici, repeindre un plafond là, pour rendre les appartements plus lumineux, plus vivants… Le locataire a ainsi le sentiment « d’appartenir à une communauté » et y trouve le soutien pour se maintenir dans son habitation.

L’accompagnement : une communauté partagée entre locataires et aidants

En effet, pour le locataire, l’accession au logement est une expérience non dénuée de prise de risque. Si l’on est assez bien pour sortir de l’hôpital, la peur de l’inconnu fait craindre d’échouer et de se trouver à la rue. Là, le rôle de l’accompagnement est essentiel, et en premier lieu celui des infirmiers. Mais à condition que ceux-ci ne se présentent pas comme dispensateurs de normes ; le danger est que la relation s’établisse sur le mode de la « confrontation », c’est-à-dire d’un face à face où les aidants sont vécus comme des intrus et où l’impétrant habitant se sent en danger de « ne pas être à la hauteur » ou d’être en devoir de coller à un modèle. Habiter c’est investir des lieux pour se les rendre familiers, c’est aller vers sa propre histoire, témoigne le locataire, mais dans un premier temps, parfois des années, l’aidant peut faire peur, comme faisant intrusion dans mon intimité, pourtant à construire. Et aussi : « au début, je sentais la personne pas à l’aise ».

« On aurait pu échouer » constate après coup celui qui témoigne, le « on » attestant de la nature du lien qui a pu finalement s’instaurer pour permettre l’accompagnement : une communauté partagée. Mais cet accompagnement prend du temps pour se mettre en place ; la méfiance première doit être surmontée, c’est comme une histoire où chacun va vers l’autre, pour une « communicabilité » qui n’est pas trouvée d’emblée mais qui peut finalement exister à partir d’un lien qui s’est construit peu à peu, à partir de l’expérience vécue où l’infirmier « comprend ». Du choix de l’appartement aux démarches accompagnées, de l’aide à l’aménagement au nettoyage des lieux à investir, de l’aide matérielle à l’écoute, « on » a fait quelque chose. L’infirmier est alors dans la position de l’invité chez l’autre, celui-ci accueille et attend une aide concrète ainsi qu’une réassurance qui anticipe les difficultés. Habiter ne va pas de soi, le fait de sentir l’aidant engagé, y compris dans les choses les plus concrètes de notre quotidien qui peut faire obstacle ou laisser perplexe, en qui il est possible de faire confiance, avec qui le risque est assumé, rend possible de réussir le projet dans la durée d’habiter le logement comme chez-soi. L’habitant se fait sujet lorsqu’il ne s’agit plus d’être ou pas à la hauteur mais d’être animé d’un désir, que soutient à son début l’autre accompagnant.

Ainsi, l’accompagnement soignant au plus près du quotidien (même si les visites au domicile sont espacées) et la vie de l’association alimentent un « sentiment de communauté » qui est ressenti comme essentiel à la réussite du maintien dans le logement. Parfois le partage d’expériences (et l’entraide) entre locataires est plus important même que la relation d’aide avec les soignants, mais l’intérêt du groupe constitué par les membres de l’ARISMM est aussi très essentiellement son ouverture sur la cité, par exemple par la culture ; « je ne voudrais pas être reconnu seulement dans ce groupe, j’ai surtout besoin qu’il soit une base sur laquelle me reposer pour ensuite aller vers d’autres groupes sociétaux », peut témoigner le locataire. La dimension de citoyenneté apparaît très rapidement consubstantielle de  l’habitation.

Notre expérience est que l’habitation se soutient du lien social porteur et structurant dont l’association  est l’occasion. Cette « compréhension » ou « communicabilité » dont fait état le locataire, ce « on » ou ce « nous » qui fait « communauté » se fondent dans ce que le psychiatre japonais Kimura Bin explicite sous le concept d’aïda majeur dans la culture japonaise, qui opère à un niveau pré-objectal de la relation interpersonnelle et de la constitution du sens des choses, du monde, de la construction du monde, c’est-à-dire ici finalement pour ce qui nous intéresse : de l’habitation, mais qui en ouvre la possibilité en en donnant une orientation, un style possible. L’aïda est l’entre, l’entre-deux, comme l’eau est le milieu dans lequel évoluent les poissons, selon une proposition imagée de J. Furtos. Pour Kimura : « l’individu ne saurait être considéré comme une monade isolée instaurant après coup une relation avec les autres. Au contraire (…) l’aïda interpersonnel est premier et ensuite seulement il s’actualise sous forme de soi-même et les autres. Le soi-même [ici nous dirons : le chez-soi] comprend l’aïda comme un des moments constitutifs ».

Habiter est donc s’approprier un espace pour le faire sien dans le même mouvement qu’il est faire entrer l’extériorité du monde dans un intérieur à constituer, il est un rapport à l’altérité où l’aïda est un moment primordial de son installation. Du reste, Kimura développe aussi un aïda intrasubjectif où je comme un autre trouve aussi sa place. L’accompagnement thérapeutique a pour visée la création de ce lieu –  lieu d’habitation – et sa pérennisation dans la durée. Prenant d’autres références : créer le lieu de l’habitation est encore la création de l’espace intermédiaire conceptualisé par D.W. Winnicott à partir du concept de transitionnalité, où l’objet de l’habitation est à la fois trouvé-créé par l’habitant et présenté par  l’accompagnant.

Une pratique de secteur pour l’accès au logement s’implique ainsi dans le social au plus près d’une quotidienneté à accompagner. L’association n’est pas qu’un dispositif de facilitation des démarches locatives ou même de mise en place de caution solidaire face aux bailleurs, elle est un collectif qui soutient un projet commun inscrit dans la cité.

L’interpellation de la psychiatrie, partenariats et travail de réseau

Mais les années 90 allaient être celles d’autres transformations. Dans cette période, l’institution psychiatrique fermait un grand nombre de lits : 125 000 entre 1975 et 2000. Pour une part cette évolution était voulue par les psychiatres mais bientôt elle était imposée de manière drastique par des contingences économiques, dans des proportions non voulues par tous, et sans le développement de l’extrahospitalier à hauteur des besoins pour un accompagnement en  ambulatoire.  On a pu parler parfois d’« externalisation arbitraire », d’« enfermement dehors ». D’un autre côté, la crise du logement, la montée des processus de précarisation, le sans-abrisme, allaient faire apparaître de nouveaux publics dans les centres d’aide et d’hébergement social et faire développer par le social de nouvelles pratiques d’hébergement et d’accompagnement. Le constat est que les représentants de CHRS faisaient valoir que 40% de leurs résidents présentaient des troubles ou une souffrance psychiques, que dans le même temps une enquête en 2011 au Centre Hospitalier Édouard Toulouse à Marseille montrait que près de 50% des personnes hospitalisées étaient sans logement. De nouveaux liens entre intervenants du social et du sanitaire étaient à penser.

Dans son rapport Une souffrance qu’on ne peut plus cacher, A. Lazarus alertait en 1995 sur la nécessité d’une implication de la psychiatrie auprès des travailleurs sociaux et pour un aller- vers les publics en précarité. La demande venait du social : pour que la psychiatrie s’intéresse positivement à une clinique psychosociale qui se manifestait sur les lieux du social et nécessitait de nouvelles élaborations psychopathologiques et de nouvelles pratiques. Des Equipes Mobiles Psychiatrie-Précarité (EMPP) furent créées, parfois à partir du secteur (comme dans notre cas), parfois indépendamment, à la fin des années 90 puis confortées par la circulaire du 23 novembre 2005. Prévenir, traiter, accompagner la souffrance en lien avec la précarité allait faire se préciser l’objet de l’intervention de la psychiatrie, dont la question du logement serait centrale, ouvrant à une collaboration des équipes de psychiatrie et du social sur un mode inédit. De l’idée du partenariat qui reste attachée à celle de l’urgence et où chacun reste dans son champ propre, on passerait peu à peu à celle du travail de réseau qui est celle de la création d’un espace dédié à un penser et agir ensemble.

Du côté du social, les modalités d’hébergement se diversifièrent avec la création de Pensions de Famille, Maisons-Relais, Familles Gouvernantes, CHRS diffus… La création à partir de 2005 de SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale) et de SAMSAH (Service d’Accompagnement Médico Social pour Adultes Handicapés) permit de se doter de nouveaux outils de soutien au logement et à la socialisation. Un SAMSAH est ainsi porté par trois des secteurs Centre Hospitalier Édouard Toulouse. EMPP et CMP participent auprès de ces différentes structures à l’accès aux soins et l’insertion.

Une expérience intéressante est menée depuis 2010, dite d’Intermédiation Locative (IML), pilotée par le COSM, coordonnée par l’Atelier Santé Ville Santé Mentale, impliquant deux secteurs, en partenariat avec deux associations d’accès au logement (GALILE, ADRIM) dans le cadre de la loi Dalo, pour que 10% environ des logements « captés » dans le parc privé pour être mis à disposition de publics précaires, puissent être dédiés à des personnes présentées par les CMP, avec un accompagnement coordonné des équipes sociales et de soin. 18 logements sont ouverts pour 18 « ménages » : personnes seules, couples ou familles, avec des antécédents de vie dans la rue pour la plupart, de nombreuses ruptures, d’hospitalisations réitérées ou parfois longues. Des visites à domicile distinctes, parfois conjointes, sont effectuées par les équipes sociales et celles de CMP. SAVS ou SAMSAH participent à l’accompagnement de certaines des personnes. Certaines sont également en soin en CATTP ou Hôpital de Jour des secteurs et/ou  fréquentent  un  GEM. Des  réunions mensuelles de présentation de candidature et de suivi permettent aux intervenants d’échanger et construire les conditions d’un accompagnement adapté. On constate que la quasi totalité des « ménages » ainsi logés conservent leur logement dans la durée. Cette pratique montre un double intérêt : l’accompagnement permet un soutien à la vie en logement et dans la cité, le logement offre un mode de vie qui permet une continuité de l’accompagnement social et du soin. 13 autres logements pourraient ouvrir en 2014.

Une diversité de dispositifs permet ainsi d’ajuster l’accompagnement à proposer. L’IML prévoit un suivi pendant deux ans, débouchant si possible sur une procédure de bail glissant. L’ARISMM prévoit aussi de tels baux glissants et en a déjà effectué, mais on observe qu’au fil des années un bailleur social est devenu partenaire exclusif de notre association pour l’obtention de logements, et, alors que l’effort de l’équipe soignante se portait sur une « sécurisation » du locataire tout en faisant si besoin médiation avec le bailleur, c’est celui-ci qui se trouve tellement « sécurisé » par le dispositif proposé qu’il se refuse à l’idée de tels baux glissants, tout en réaffirmant sa volonté de partenariats pour la dispensation d’autres appartements pour l’association… Telle est aussi la différence entre partenariat et travail de réseau !

Le projet est en cours de rassembler en 2014 les trois associations sectorielles du Centre Hospitalier Edouard Toulouse en une seule, l’association A.P.P.A.R.T. (Association Pour la Promotion des Appartements de Réinsertion Thérapeutique), qui sera portée par les six secteurs de l’établissement, pour favoriser encore davantage l’accès au logement des personnes en soin (il est estimé qu’au moins 10% des personnes hospitalisées au long cours le sont, non du fait de leur état de santé mais en raison de leur absence de solution de logement ou hébergement à l’extérieur de l’hôpital…), pour également renforcer l’interface institution soignante/bailleurs sociaux ou autres partenaires, et, par exemple, mettre en œuvre de manière concertée une pratique telle que celle des baux glissants.

Ainsi, la psychiatrie s’est déplacée dans le social sous l’effet de divers mouvements. Pour nous, instituer des collectifs  pour  un  prendre soin collectivement est au fondement des pratiques sectorielles telles que nous les pensons dans et avec le social dans nos quartiers. Cela en intégrant la problématique forte du logement et sa dimension de l’habiter. Ces collectifs sont des réseaux partageant une éthique et des buts pour la prévention, l’accès au soin, l’insertion. Les réseaux « Santé Mentale et Logement » mis en place dans différents arrondissements de la ville en sont un autre exemple.

Les Réseaux Santé Mentale et Logement à Marseille

Les réseaux « Santé Mentale et Logement » sont nés sous l’impulsion du Service de Santé et des Personnes Handicapées de la Ville de Marseille et de l’Atelier Santé Ville Santé Mentale de la Ville de Marseille. Le premier de ces réseaux est né en 2008 dans le 1er arrondissement, d’autres se sont créés à partir de cette expérience ou sont en voie de création dans les autres arrondissements de la ville.

Ces actions constituent une des priorités du Plan Local de Santé Publique Santé Mentale de Marseille (PLSP SM) : « Favoriser l’insertion sociale des personnes en situation d’handicap psychique en développant notamment des mesures d’accès et de maintien au logement et/ ou à l’hébergement » ; un des trois axes de travail retenus par le Conseil d’Orientation en Santé Mentale de la Ville de Marseille (COSM) est : « l’accès et le maintien dans le logement ». Ces actions s’inscrivent également dans le Contrat Local de Santé (CLS) signé le 23 juin 2010 entre la Préfecture, l’Agence Régionale de Santé PACA et la Ville de Marseille. Ce contrat, le premier signé en France, a pour objet d’amplifier la démarche de promotion de la santé menée dans le cadre de la Politique de la Ville et matérialisée par les Ateliers Santé Ville.

Ces réseaux sont des dispositifs multi partenariaux dont le but consiste à mobiliser des ressources des différents champs professionnels : médical-psychologique-social- éducatif-associatif et institutionnels, à dynamiser et à conforter les partenariats, pour conduire et coordonner des actions autour des situations complexes dans le domaine de la santé mentale et du logement. Pourquoi complexes ?

Le terme Complexus signifie : « ce qui est tissé ensemble… » il s’agit donc des situations où l’on trouve plusieurs facteurs entre-tissés (précarité, vulnérabilité psychique, isolement, rupture sociale, incurie dans le logement, endettement, perte de droits,), lesquels n’ont un sens que si on les observe ensemble dans leur interaction. Les formes sur lesquelles ces situations se présentent sont diverses et témoignent toutes d’une difficulté à habiter avec soi-même et avec les autres.

Le plus souvent ces situations se chronicisent et la coordination des services légitimes peine à se mettre en œuvre, les modes d’intervention classiques ne sont plus opérationnels, le soin est interpellé tardivement, souvent sur le mode de la contrainte (hospitalisations sans consentement ou d’office), les situations s’aggravent et aboutissent sur le plan social à des mesures d’expulsion,  d’exclusion familiale.

Les réseaux constituent ainsi un cadre d’action spécifique, un espace de collaboration associant la psychiatrie publique (CMP, EMPP), les bailleurs sociaux présents sur le territoire, les services sociaux (Maisons Départementales de la Solidarité, Centre Communal d’Action Sociale de la Ville de Marseille), les associations de quartier, les usagers, les élus, les services de la Ville, les services de police, dans le  but d’intervenir plus en amont de situations complexes.

Ces réseaux ne sont pas une offre de service supplémentaire mais la mobilisation de ressources existantes sur le territoire. Le but de ces réseaux est bien d’ouvrir un espace propice à l’élaboration collective, un espace transversal, un interstice entre les institutions où une rencontre entre partenaires issus des champs différents devient possible. Les réseaux seraient ainsi l’émergence d’une « nouvelle » organisation des services existants.

Le travail en réseau permet de se sortir de la logique du signalement pour aller vers une autre philosophie de travail où plusieurs logiques vont se croiser. Ces logiques de travail ont chacune sa spécificité, sa temporalité, ses propres règles de  fonctionnement.

Ces logiques doivent co-exister et co-travailler, elles ne doivent pas être réduites mais  mises en synergie ; comment concilier les temps de bailleurs et les temps psychiques ? Comment réfléchir au croisement de cultures professionnelles différentes ? Les situations sont présentées dans ce qu’elles font impasse pour celui qui en a la charge actuelle, elles sont problématisées ensemble, dans leurs complexité, puis suivies de mois en mois au fur et à mesure qu’une action est menée par divers intervenants auprès de la personne reconnue en difficulté. Concrètement, on observe que moins de 20% des situations ainsi « travaillées » ensemble aboutissent à une hospitalisation.

L’organisation en réseau fait ainsi apparaître des qualités nouvelles, qui n’existaient pas dans les approches isolées. De fait, cela devient possible car on propose un espace d’élaboration collective (réunions) avec une continuité dans le temps (régularité de réunions) où quelque chose d’un collectif commence à se tisser, un étayage autour de la personne, une trame symbolique pour qu’un sujet puisse venir se « loger », une clinique du lien qui permet de restituer l’individu isolé dans un collectif social.

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