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Pouvoirs de police du maire : les changements à venir en matière d’hospitalisation d’office

Jean-Charles FROMENT - Professeur des Universités, Faculté de Droit de Grenoble

Année de publication : 2006

Type de ressources : Rhizome - Thématique : SCIENCES HUMAINES, Sciences politiques, Sociologie

Télécharger l'article en PDFRhizome n°24 – Elus des villes et santé mentale (Octobre 2006)

La discussion parlementaire du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance est enfin engagée. Après s’être longtemps fait attendre, ce texte devrait donc voir prochainement le jour. Destiné à clore le dispositif législatif adopté par le gouvernement en matière de sécurité intérieure, le ministre de l’Intérieur a notamment à plusieurs reprises affirmé qu’il permettrait de consacrer le rôle et la place du maire comme pilote de la politique de prévention de la délinquance. Le texte s’inscrit ainsi dans la droite ligne des politiques de sécurité engagées en France depuis le début des années quatre-vingt.

Rappelons à ce titre que le maire dispose d’un important pouvoir de police. S’il est officier de police judiciaire, participant dans ce cadre à la répression des infractions commises sur le territoire de sa commune, ce sont essentiellement ses compétences de police administrative qui sont étendues. Le maire est en effet responsable du maintien de l’ordre dans sa cité et dispose pour cela de prérogatives propres. L’article L. 2212-1 CGCT dispose que : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ». L’objet de cette police municipale consiste à « assurer le bon ordre, la sûreté (prévention des désordres), la sécurité (prévention des accidents) et la salubrité publiques (prévention des maladies) ». Ces pouvoirs sont donc généraux : ils donnent les moyens aux maires de prendre des décisions, individuelles et/ou réglementaires, afin de prévenir ou limiter les troubles à l’ordre public sur l’étendue du territoire communal.

C’est dans le cadre de cette mission que deux sources juridiques autorisent jusqu’à présent le maire à intervenir à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux : le Code général des collectivités territoriales (CGCT) (art. L.2214-4) et le Code de la santé publique (art. L.326 et suivants). Les pouvoirs de police que se partagent en la matière le maire et le préfet relèvent tout à la fois de la police générale et d’une police spéciale confiée principalement au préfet mais qui peut parfois faire intervenir le maire, en tant qu’agent de l’Etat et non au titre de représentant de la commune. Le Code de la santé publique prévoit une procédure qui confie normalement au préfet le soin de décider de l’internement des malades mentaux en prenant un arrêté sur la base d’un certificat médical. Mais une procédure d’urgence autorise parallèlement le maire (ou, à Paris, les commissaires de police), à prendre toutes les dispositions nécessaires vis à vis des aliénés, à condition de ne prendre que des mesures provisoires et motivées et d’en référer dans les 24 heures au préfet, qui prononce alors éventuellement l’arrêté d’hospitalisation. En cas d’absence de décision préfectorale, les mesures prises par le maire deviennent caduques passé un délai de 48 heures. L’inaction du maire dans ce domaine ne peut engager la responsabilité de la collectivité qu’en cas de faute lourde, dont l’existence est dans ce domaine rarement reconnue par le juge.

Le texte discuté au parlement sur la prévention de la délinquance prévoit de modifier cet état du droit pour renforcer les compétences du maire. Celui-ci se verrait désormais attribuer une compétence de droit commun en la matière et non pas simplement un pouvoir d’intervention en cas d’urgence. Ainsi l’article 25 du projet de loi modifie l’article L.3213-1 du Code de la Santé publique pour prévoir que : « Les maires et à Paris, les commissaires de police, prononcent par arrêté au vu d’un certificat médical, ou, en cas d’urgence, d’un avis médical, l’hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sureté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public, à charge d’en référer dans les vingt quatre heures au représentant de l’Etat dans le département« . Une autre disposition vise aussi à renforcer l’information du maire sur les sorties d’essai des malades mentaux. Précisant que « La décision de sortie d’essai comporte l’identité du malade, l’adresse de la résidence habituelle ou du lieu de séjour du malade, le calendrier des visites médicales obligatoires et s’il en détient, un numéro de téléphone,ainsi que, le cas échéant, la date de retour à l’hopital« , il ajoute que « le maire de la commune où est implanté l’établissement et le maire de la commune où le malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour sont informés de cette décision sous 24 heures« . Le maire est ainsi investi d’une mission de surveillance des malades qui repose sur la présomption de leur dangerosité.

Ces modifications changent-elles fondamentalement les compétences du maire ? La réponse est ici contrastée. Pratiquement, on peut en douter. L’urgence étant devenue la règle en ce domaine, la réalité était déjà celle d’une intervention principale des maires régularisée a posteriori par les préfets, notamment en raison des services dont disposent les premiers pour agir et réagir. Mais elles ne sont cependant pas neutres d’un double point de vue. D’une part sur un plan symbolique, en plaçant la maladie mentale sur l’autel du risque délinquant. Que doit-on déduire en effet d’une loi qui fait de la gestion de la maladie mentale un moyen de prévenir la délinquance… ? La loi délivre ainsi une représentation de la maladie mentale qui ne peut que renforcer un ensemble de confusions de plus en plus à l’œuvre dans la société. D’autre part, en faisant du critère de la dangerosité, un critère fondamental d’appréciation des réponses à donner à la maladie mentale et en investissant le maire d’une fonction de surveillance a priori qui pourrait surtout se traduire pour lui, en cas d’incident, par un surcroit de responsabilité difficile à assumer. Il est d’ailleurs à noter que le législateur de 1990 avait volontairement écarté la compétence de droit commun du maire en identifiant le risque de confier totalement cette police à une autorité non seulement administrative, mais aussi politique, et donc exposée beaucoup plus facilement à différentes typs de pression de la part des citoyens et des familles vivant dans sa commune…

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