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Quand un CMP et un CCAS travaillent ensemble

Véronique DESSALLE
Anne VIGNERON
Hélène DE GUILHAUME - Assistantes Sociales au CCAS de Bron (69)
Geneviève FURTOS
Michèle TORTONESE-RAMOS - Infirmières au CMP de Bron (69)

Année de publication : 2000

Type de ressources : Rhizome - Thématique : Psychiatrie, SCIENCES MEDICALES, TRAVAIL SOCIAL

Télécharger l'article en PDFRhizome n°3 – L’offre de soin entre politique et subjectivité (Décembre 2000)

Les assistantes sociales du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) faisaient trois constats :

– Une grande souffrance psychologique chez un nombre important de personnes reçues au CCAS.

– La souffrance sociale et la souffrance psychologique étaient mêlées

– Les orientations vers le CMP (Centre Médico-Psychologique) n’étaient pas suivies d’effets : le public n’arrivait pas à franchir la porte du CMP.

Ainsi, il y avait le repérage d’un besoin important et l’inadéquation du mode d’orientation.

Dans les années 91-92, les équipes du CMP n’avaient plus d’antennes dans les MDR (Maison du Département du Rhône), tandis que des besoins de partenariat émergeaient et, entre autre, les A.S. du CCAS étaient demandeuses de travail commun.

La première étape a été la présentation de situations difficiles vécues par les A.S. du CCAS à l’équipe du CMP, dans le cadre de la réunion d’équipe du CMP.

Au départ, l’équipe du CCAS et l’équipe du CMP avaient une manière d’appréhender la souffrance morale de façon différente. Toute la question était de savoir si la souffrance vécue par ces personnes était plus d’ordre social, ayant donc à être prise en compte avec des réponses sociales; ou d’ordre psychologique, avec de possibles améliorations par des soins.

Plusieurs années de travail de rapprochement des deux structures, de connaissances des pratiques et des missions de chacun, ont permis

– d’affiner le diagnostic de la souffrance et de chercher comment les soignants pouvaient au mieux aider les travailleurs sociaux à répondre aux personnes en difficulté psychique.

– de dépasser les clivages existants entre les logiques d’intervention des deux structures.

– de reprendre la question de la demande de soin ou de son absence pour un public très fragilisé.

En effet, certains professionnels, psychiatres et psychologue du CMP, pensaient que la demande de soin exprimée par la personne était un postulat incontournable. De leur côté, les A.S. du CCAS constataient une résistance à cette démarche :

– désespérance tellement grande que les forces manquent pour entreprendre un soin,

– peur fantasmatique du lieu CMP liée aux représentations culturelles négatives de la psychiatrie,

– situations sociales tellement lourdes que les problèmes de santé sont ressentis comme secondaires,

– sentiment de honte à être aidé psychologiquement

Le dispositif

1 – Les objectifs

– L’analyse de situations difficiles

– L’accès au soin psychologique

– La prise en compte de situations d’urgence

2 – Les moyens

– Les échanges en réunion, le soutien professionnel

Une réunion mensuelle rassemble 4 AS du CCAS, 2 infirmières psychiatriques, parfois 1 AS du secteur psychiatrique.

Des situations problématiques sont analysées ensemble en croisant les compétences professionnelles de chacun. Ce travail peut permettre, par l’apport d’éléments de compréhension, l’émergence d’hypothèses de travail social aboutissant à une clarification de la situation. Il peut aussi faire apparaître la nécessité d’une rencontre avec un soignant.

Ces éléments de compréhension du fonctionnement psychique sont enrichissants au-delà de la situation évoquée ponctuellement et restent un apport pour l’intervention sociale.

Ces réunions sont aussi l’occasion d’un retour sur le suivi des personnes qui sont connues des deux services, dans un souci de cohérence des interventions et sans que les exigences du secret ne soient trahies.

– L’entretien à trois (usager, infirmière, assistante sociale) :

Il s’agit d’un entretien programmé qui se déroule au CCAS. C’est l’A.S. qui débute l’entretien en présentant la personne et les difficultés qu’elles ont préalablement repérées ensemble. On peut noter que les personnes perçoivent tout de suite la spécificité des interlocuteurs puisqu’ils s’adressent tantôt au soignant, tantôt au travailleur social à bon escient. Le contenu de «leur message» montre bien qu’il n’y a pas de confusion des rôles. A l’issue de cet entretien triangulaire, un projet de soin a souvent pu s’établir, donnant lieu à un suivi au CMP. L’accès au soin est donc largement facilité par l’intervention sociale pour des personnes présentant des pathologies psychiatriques constituées.

Reste actuellement à nous interroger sur certaines situations où l’usager récuse le projet de soin : résistance par peur des changements, des remises en question, «des psy» ?

On constate que certaines personnes expriment un mal-être, une plainte qui perdure et ne peut être élaborée en terme de soin.

Quelques exemples cliniques

– Mme A.

Mme A., 47 ans, divorcée, un fils adulte à charge, usager du CCAS pour surendettement et difficultés de gestion de sa situation sociale présente un état d’angoisse constant, une phobie sociale, de l’insomnie, de l’anorexie, un sentiment de dévalorisation extrême.

Lors d’un entretien à trois, elle peut exprimer ses difficultés actuelles et accepte l’idée d’un accompagnement psychologique.

Ensuite, un entretien infirmier au CCAS lui permettra d’aborder certains éléments traumatiques de son histoire. Elle sera rassurée de voir que certaines de ses pensées folles sont recevables par un soignant.

Elle accepte de venir au CMP où elle bénéficie actuellement d’un suivi médico-infirmier.

– M. T

Dans le cadre des missions du CCAS, nous accompagnons des bénéficiaires du RMI. Mr.T. était bénéficiaire depuis 1994 quand il arrive sur la commune. Il a 49 ans, un long passé de SDF et est physiquement marqué par cette période.

Les rencontres entre l’A.S. et Mr.T. sont le plus souvent à l’initiative de l’A.S. Très vite, le problème alcool est parlé par Mr.T. mais il ne souhaite pas de soin et préfère s’orienter vers l’insertion professionnelle. Ceci est engagé avec l’aide d’une association d’accompagnement à la recherche d’emploi et aboutit à l’entrée de Mr.T. en contrat emploi-solidarité. Mais, très vite, c’est l’échec, Mr.T. quitte brutalement son poste de travail sans explication.

A ce moment, l’A.S. reprend avec lui ses difficultés, les raisons de son arrêt, sa peur de ne pas être à la hauteur et de ne pouvoir rester sur un poste de travail. C’est ainsi qu’il est reparlé des soins et de sa maladie alcoolique ; néanmoins, plusieurs rencontres seront nécessaires pour l’orientation sur le CMP.

A partir de celle-ci, l’insertion professionnelle a été abandonnée et Mr.T. s’est orienté plus sur un projet de s’occuper de lui.

Conclusions

Nous soulignerons que ce travail commun, A.S. et infirmières, est certainement facilité par une proximité de ces deux métiers. Nous sommes dans une équivalence sociale et statutaire et, de plus, nous partageons un même souci de la quotidienneté, de la réalité matérielle des personnes. Cet espace d’observation commun permet que les apports plus techniques et les constructions d’analyse de situations se fassent dans un climat aisé.

En fait, il est apparu aux professionnels engagés dans ce projet de travail qu’il faudrait «aller vers» ceux qui ne peuvent pas faire eux-mêmes cette démarche.

A partir de 1994 la décision est prise d’un travail régulier, commun aux deux structures dont la particularité essentielle est l’intervention de deux infirmières auprès des usagers du service social, dans les locaux du CCAS.

A côté de la construction de ce cadre commun formel, une liaison simple et informelle s’est tout naturellement déployée. Chacun a le sentiment de pouvoir mieux exercer son métier.

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